« Quand
je serai grand… je serai policier ! »
ou la
littérature policière pour enfants
La grande constatation des cours de
récré est que beaucoup d’enfants veulent devenir policiers. Influencés par les
films, les dessins animés (Inspecteur
Gadget), les jeux (Cluedo) et
bien sûr les livres, nos chères petites têtes blondes rêvent d’être des héros
et mettre les méchants hors d’état de nuire. Menottes, revolver et compagnie,
voilà un attirail qui fait briller leurs yeux. De nos jours, on remarque de
plus en plus que l’enfant aime être au cœur de l’histoire, se sentir
indispensable au dénouement de l’intrigue, et tout cela, le monde de
l’édition l’a bien compris. Désormais, la plupart des grandes maisons
d’édition ont une ou plusieurs collections dédiées au policier, et certaines
réalisent dans ce domaine la majeure partie de leur activité comme Mini Syros
ou encore Rageot :

Le policier : une lecture pour l’enfance ?
Bien sûr que non me direz-vous… Et pourtant, le genre policier en littérature
de jeunesse existe bel et bien, et ce n’est pas pour déplaire à nos détectives
en herbe ! Certaines personnes pensent qu’introduire le genre policier
auprès de jeunes enfants est une mauvaise idée. Il est vrai que le « polar »
revêt souvent des connotations négatives, liées à ses choix stylistiques, à une
langue jugée trop familière ou à son goût du glauque et du morbide. Ce genre
apparaît alors trop violent pour des jeunes lecteurs. Cependant, le genre
policier concerne également l'enfance car, au-delà de stéréotypes de surface,
il atteste un authentique travail artistique qui crée un changement de cadre et
éloigne les événements narrés de la réalité. En effet, le fait divers relaté
dans la presse n'a pas le même impact qu'un événement similaire mis en scène
dans un roman. Le traitement de la violence dans la littérature policière pour
enfants est donc spécifique : il s’agit de ménager la sensibilité des
enfants tout en conservant le sens du frisson.

Dans
Qui a tué Minou-Bonbon ? de Joseph Périgot, un vieux matou a été lâchement assassiné
; mais Nico va mener l’enquête pour que le meurtre de son ami ne reste pas
impuni. Malgré le genre du livre, cette histoire présente de
la douceur grâce aux connotations sucrées du nom du chat notamment. Le récit se
focalise sur la recherche du coupable sans trop s’attarder sur la victime.
Ces deux exemples permettent de voir
que la littérature de jeunesse « recrée
» le genre policier en l’adaptant aux enfants. En effet, c’est en mobilisant
des traits spécifiques, comme la douceur et la sucrerie, les victimes animales,
les enfants détectives et les faux méfaits que la littérature de jeunesse
parvient à relever le pari de proposer aux enfants un sujet qui semble, à la
base, destiné aux plus grands.
De plus, la lecture du roman
policier se présente comme une leçon pour « grandir ». Ainsi, comme les contes
de fée, le policier oblige le lecteur à attendre, apprendre à patienter pour ne
pas céder aux principes de l’immédiateté de la lecture afin de mieux s’inscrire
dans la réalité du texte. Le jeune lecteur peut également s’identifier au héros
de l’histoire qui ne cède pas à ses premières impressions. On peut ajouter que
le roman policier pour enfants ne craint pas d'utiliser l'humour ainsi que
l'ironie qui est une véritable leçon de
distanciation pour le lecteur. Enfin, ce genre de livres permet à l’enfant de
grandir car il rappelle souvent les romans d’initiation qui aident le lecteur
par projection dans sa quête d’identité. Quant aux énigmes du roman policier,
elles obligent l’enfant à déduire les choses et à faire des raisonnements
hypothétiques.

Dans Cœur
de pierre de Philippe Borin, les jeunes lecteurs sont témoins d’un vrai
crime ce qui rend le livre plus noir. L’originalité du récit réside dans le
fait que le narrateur est l’arme qui a servi au crime : une pierre. Cette
pierre est ensuite ramassée par des enfants qui aideront à la résolution de
l’enquête.

Le
Professeur a disparu s’inscrit dans un des sous-genres du roman
policier : le roman d’aventure à intrigue policière. L’intrigue s’organise
autour de la découverte d’un message secret laissé dans le train que les trois
héros vont tenter de déchiffrer. La spécificité de ce genre policier est que le
jeune lecteur se retrouve dans la peau de l’enquêteur et donc se plaît à jouer
le rôle du détective-amateur car ‘identifie aisément aux personnages. Ce qui
surprend c’est que l’auteur a construit son récit sur un faux méfait (l’enlèvement
de M. Coruscant) dont le lecteur reste dupe jusqu’au dévoilement final. L’autre
spécificité de ce genre est qu’il a recours à des scènes-types (filature). Ici,
les enfants se retrouvent seuls dans l’univers de Venise, ville mystérieuse et labyrinthique
où l’on peut aisément se perdre. L’ambiance autour du carnaval, des bals
masqués renforce le côté énigmatique et mystérieux. Le recours au suspense et
le rythme de l’enquête peut donner au jeune lecteur le goût du mystère.
De plus, la « narration puzzle »
sert à l’avancement de l’enquête. En effet, les personnages deviennent à tour
de rôle des narrateurs-personnages suivants les chapitres. On parle de récits
successifs car l’on découvre chaque étape du récit à travers leur regard
respectif : sous la forme d’une lettre pour Mathilde, d’un journal de bord
pour Rémi et d’un journal intime pour Pierre-Paul. Cela donne une impression de
puzzle au récit car les avancés de l’enquête se précisent grâce à cette
variation des points de vue qui apportent un surplus d’information. La
difficulté pour le jeune lecteur est d’épouser provisoirement le point de vue
de tel ou tel personnage puis de concilier les points de vue.
Enfin, les personnages, aux traits
de personnalité presque antithétiques sont quelque peu stéréotypés puisque le
jeune lecteur découvre Pierre-Paul, le premier de la classe, Rémi, le cancre,
et enfin Mathilde, une fille discrète qui vient temporiser les relations du
groupe. Ils n’en sont pas moins attachants et drôles évoluant au sein d’un trio
improbable. On assiste finalement à une véritable évolution des personnages et
de leurs relations car chacun ressort grandi de cette aventure.
Ainsi, le « polar »
pour enfants peut tout aussi bien combler les petits comme les grands amateurs
d’enquêtes policières : retour en enfance aux yeux des adultes et
véritable leçon pour grandir pour les enfants, cette littérature semble
décidément incontournable.
J.LG
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.